ADFRI : « le marché est en évolution permanente »

Le 19/11/2019 à 14:13 par La rédaction
Les membres de l’ADFRI à Bordeaux en octobre 2019.

Créée en 2000, l’Association de la distribution française de robinetterie industrielle (ADRFI) a pour objectif de fédérer et promouvoir les distributeurs et fabricants sur le territoire. nous avons posé nos questions à Frédéric Soccard, directeur général de la société Socvalves et président de l’ADFRI depuis 2017 : il nous présente ici les missions de l’association et nous partage sa vision d’un marché en constante évolution.

Qui êtes-vous ?

 

Frédéric Soccard, président de l’ADFRI.
Frédéric Soccard, président de l’ADFRI.

Frédéric Soccard : L’ADFRI a été créée en 2000 dans l’objectif de promouvoir la distribution de robinetterie industrielle française. Cet objectif est toujours le même aujourd’hui : les distributeurs sont assez mal connus par le marché, et l’idée est d’expliquer leurs activités et d’assurer cette promotion par une veille technique du marché, d’un point de vue normatif et législatif, et la mutualisation des informations. L’association avait d’ailleurs été créée à la suite d’une directive CE appliquée à la robinetterie : les distributeurs-revendeurs se sont trouvés un peu exclus de la réflexion et recevaient des avis différents de la part des fabricants. Pour que les distributeurs se fassent leur propre avis, l’association a notamment permis de mutualiser les informations entre des sociétés souvent de petites tailles, la recherche pouvant coûter cher sur ce point. Aussi, l’ADFRI intègre dans ses statuts une charte éthique, qui constitue les piliers de l’association.
En 2019, l’ADFRI ne regroupe pas moins de trente-cinq membres, et nous serons quarante- cinq en 2020. Nous ne sommes pas un club élitiste : nous sommes ouverts à tous, à partir du moment où la charte éthique est respectée. Nous ouvrons la porte à toutes les sociétés, que ce soit des sociétés internationales ou de très petites sociétés : c’est d’ailleurs ce qui fait tout l’intérêt de l’association. Il nous semble important d’accueillir de nouvelles sociétés, qui peuvent avoir une autre approche du marché et poser des questions simples, qui permettent à tous de se reposer les questions fondamentales. Les grandes sociétés, qui ont les moyens techniques et économiques d’assurer une veille législative, viennent apporter leur pierre à l’édifice en partageant leurs informations.
L’association dispose d’un Conseil d’administration de vingt membres, structuré en quatre collèges distincts : deux collèges dédiés à la distribution, comprenant un collège pour les distributeurs de moins de vingt salariés et un collège pour les distributeurs de plus de vingt salariés, un collège dédié aux fabricants et aux filiales, et un collège dédié aux sociétés de services. Nous avons d’ailleurs aussi clarifié la position de l’association à l’égard des filiales et des fabricants, qui sont désormais des membres à part entière. Aujourd’hui, la répartition des voix est faite de façon à ce que la distribution domine l’association : c’est une volonté de notre part, qui permet de garantir un équilibre entre les sociétés et de donner plus de place aux petites sociétés, qui ne se sentent donc pas lésées.
 

Comment percevez-vous l’état du marché actuel ?

 
F.S. : Nous pouvons aujourd’hui dire qu’il n’y a pas de révolution dans le domaine de la robinetterie industrielle : on parle plutôt d’une évolution permanente. Les changements se font assez peu au niveau des produits, mais plutôt au niveau des sociétés elles-mêmes. Autrement dit, nous sommes dans un marché où, que ce soit pour la distribution ou la fabrication, beaucoup de sociétés disparaissent ou sont rachetées tous les ans, ce qui donne lieu à des concentrations d’entreprises : le développement se fait par croissance externe. Cela pourrait d’ailleurs laisser la place à certaines sociétés pour s’installer dans des niches de marché. Hélas, il y a moins de création que de disparition de sociétés sur le marché français de la fabrication. Le marché de la distribution est un peu plus tonique et on voit régulièrement des sociétés qui se créent quand d’autres disparaissent. Aussi, nous apercevons un changement de mentalité à l’égard des produits asiatiques : ils étaient auparavant interdits, ils sont aujourd’hui tolérés, et ils seront certainement plus tard acceptés. Il faut toutefois noter que si les distributeurs se tournent vers des fabricants asiatiques, c’est très souvent parce qu’ils ne trouvent pas les technologies en France ou en Europe. Il ne s’agit pas ici d’une quelconque mise en concurrence. L’Asie est un grand fournisseur de matière première dans le monde et, au fil du temps, les fournisseurs de matière première sont passés fabricants de produits finis.
 

Les membres de l’ADFRI à Bordeaux en octobre 2019.Les membres de l’ADFRI à Bordeaux en octobre 2019.

 
D’une manière plus générale, le marché actuel est assez tendu. Nous entendons souvent chez nos adhérents qu’ils ont difficilement une vision à plus de deux mois. Les décisions des clients sont de plus en plus longues et les délais de livraison doivent être de plus en plus courts. Certains acteurs sont obligés de s’adapter : soit les stockistes augmentent leurs stocks s’ils en ont les moyens, soit les revendeurs travaillent davantage sur l’information, l’éducation et le conseil du client. Le prix reste aussi un point majeur de différenciation sur un marché où la concurrence technique est moindre. Certains de nos membres réfléchissent actuellement à un développement digital des ventes, et notamment à la création de plateformes logistiques, d’outils numériques classiques comme la vente sur Internet, ou d’assistants internet en ligne pour guider le choix des clients. Il est clair que les grandes sociétés ont aujourd’hui des réflexions à ce sujet, ce qui donnera sûrement dans les années à venir une mutation du marché sur ce point. Mais il est très difficile de passer le pas puisque le conseil au client est très important : ne tourne-t-on pas le dos à cela ? Certains se posent la question. Ce modèle est peut-être possible pour des produits standards, mais probablement pas pour des produits plus spécifiques.
 

Pour vous, quelles en sont les conséquences directes ?

 
F.S. : Nous constatons aujourd’hui chez nos clients une réelle externalisation des bureaux d’études, qui définissaient jusque-là les cahiers des charges des projets et organisaient les programmes de maintenance. Si le client ne remplit plus cette mission et s’il ne sous-traite pas avec un bureau d’études externe, cela se répercute directement sur les distributeurs et fabricants. Les clients viennent aujourd’hui nous voir avec un besoin, mais pas forcément traduit par un matériel spécifique : c’est à nous de définir la meilleure solution en fonction de leur application. Cela est d’ailleurs assez paradoxal avec le développement du numérique dès lors que nous sommes sur un marché d’étude et de conseil.
Un autre sujet qui est, très tôt dans l’association, sorti comme une grande priorité est la formation du personnel. Nous avons du mal à trouver du personnel qualifié et nous menons des actions pour sensibiliser la jeune génération aux métiers de la robinetterie industrielle à tous les niveaux, du magasinier jusqu’au directeur général. L’association intègre d’ailleurs dans la charte éthique de ses statuts, des bonnes pratiques en termes d’embauche et de débauche d’un employé d’un confrère. En France, il serait intéressant de s’inspirer un peu plus du modèle américain : le modèle est très différent, puisque les utilisateurs finaux ont très peu de contacts en termes d’achats avec les fabricants. Ils souhaitent travailler avec les stockistes et les revendeurs. Le fabricant fait alors du lobbying auprès des utilisateurs finaux via de la publicité ou la presse spécialisée, via les démarches auprès de leurs clients, via les revendeurs et stockistes et, enfin, via les salons professionnels. Les fabricants font de la prescription, l’utilisateur final se tournant vers les distributeurs, qui travaillent eux-mêmes avec les fabricants. En France, les industriels se tournent davantage vers les fabricants que vers les distributeurs, pensant que ces derniers n’apportent pas de valeur ajoutée et appliquent simplement un coefficient de marge au produit : aujourd’hui, les choses ont clairement changé, mais les mentalités évoluent très lentement. Aussi, il ne faut pas négliger le fait que les distributeurs disposent souvent d’une palette de solutions beaucoup plus large qu’un fabricant : ils évitent les exclusivités et cherchent à proposer objectivement la meilleure solution pour le client. Certains stockistes peuvent aussi proposer un produit de marque, un produit distributeur, et un produit premier prix.
 

L’ADFRI organise trois rencontres plénières par an.
L’ADFRI organise trois rencontres plénières par an.

Quelles solutions apportez-vous aux industriels ?

 
F.S. : Notre volonté est de promouvoir la robinetterie industrielle en France, en tant que métier de conseil et de service, que l’on soit distributeur ou fabricant. Nous souhaitons rester une porte d’entrée sur le marché français : nous voulons ouvrir notre porte à toutes les entreprises. Et pour avoir une certaine légitimité sur le marché, nous devons regrouper un certain nombre de membres. Aujourd’hui, nous accueillons cinq à dix membres par an, et nous souhaitons continuer dans cette dynamique. Il est important de préciser que l’association reste dans le pur respect de la réglementation : il n’y a pas d’ententes entre les sociétés, ce qui est strictement interdit, l’objectif étant simplement d’être une représentation la plus exhaustive possible de la robinetterie industrielle en France. Nous tendons la main à qui veut bien l’accepter. D’ici quelques années, notre idée est d’atteindre la centaine de membres, ce qui nous permettrait d’ailleurs d’avoir des permanents dans l’association pour mieux répondre aux questions de nos adhérents sur ce qui concerne le législatif, le normatif ou la technique. Actuellement nous avons une équipe de semi-permanents, de la société KAIROSARIUM, qui nous soutient dans notre développement d’association professionnelle, et surtout qui nous permet d’assurer un contenu très professionnel à nos membres.

Le Guide Technique d’ADFRI, sous ses deux formes
Le Guide Technique d’ADFRI, sous ses deux formes

L’un des grands travaux menés par l’ADFRI a été de concevoir, il y a près de six ans maintenant, un guide technique, nommé GTA (Guide Technique ADFRI), qui est pour nous un document de référence dans la robinetterie. Les guides disponibles aujourd’hui sont généralement réalisés par des fabricants ou des personnes ayant fait leur carrière chez un fabricant : nous, nous proposons le seul guide en France réalisé par un groupement de confrères, vrai gage d’objectivité. Ce guide constitue la synthèse des différentes visions de nos membres. Il y a de moins en moins de compétences chez nos clients, et l’idée est donc de former ces derniers pour les aider à mieux appréhender la robinetterie. Le guide s’adresse à tous, des services d’engineering à l’utilisateur final. Nous avons d’ailleurs développé deux formats différents : un format de poche en papier épais et lavable, plutôt destiné aux utilisateurs finaux sur sites, et un format A4 plus confortable à la lecture. Ce guide permet d’avoir un outil de discussion avec le client et nous aide à l’accompagner. Il est gratuit et disponible auprès des membres de l'ADFRI.