Covid-19 : quels sont les impacts de la crise sanitaire sur l’industrie française ?

Le 03/02/2021 à 15:33 par La rédaction

La succession des confinements liés à la crise sanitaire n’est pas sans impacts : les entreprises doivent s’adapter le plus possible pour préserver leur santé économique. Certains secteurs sont plus épargnés que d’autres, à l’image de l’agroalimentaire ou de la pharmaceutique. Entretien avec Karina Sebti, Managing Director de Robert Walters Management de transition, célèbre cabinet de recrutement anglais.

 

Karina Sebti, Managing Director de Robert Walters Management de Transition.

Qui êtes-vous ?

Robert Walters est un cabinet de recrutement qui regroupe près de 4 000 collaborateurs sur les quatre continents. En France, l’activité est concentrée sur trois pôles : l’intérim, le recrutement permanent et le management de transition. Je dirige l’activité de management de transition, qui est différente du recrutement permanent puisqu’ici le caractère d’urgence est primordial. Nous positionnons des cadres dirigeants et des experts sur des missions ponctuelles et très opérationnelles, avec une contrainte à court terme très forte. Nous disposons d’une quinzaine de consultants et de 500 managers en mission en entreprise chaque année. Nous sommes organisés par spécialité : opération, IT, finances, ressources humaines, etc. Par exemple, dans l’industrie, un transfert d’activité, l’ouverture d’une ligne de production, le lancement d’un produit ou encore l’ouverture de nouveaux sites peut se faire en externe lorsque l’on ne dispose pas des ressources en interne. C’est là tout l’intérêt du management de transition.

 

Chez Robert Walters, le management de transition a-t-il tourné au ralenti lors du premier confinement ?

Karina Sebti : Le premier confinement, intervenu du 17 mars au 11 mai 2020 en France, a indéniablement eu un impact sur les activités industrielles. Avec une perspective de croissance ou de décroissance, le management de transition est toujours nécessaire. Chez Robert Walters, nos missions de management de transition ont été maintenues et nous n’avons pas eu d’annulations. Tous les projets existants ont suivi leur progression. Les missions de finance et de ressources humaines ne se sont pas arrêtées lors du confinement, et nous avons été sollicités sur ces aspects-là. Les opérations ont ensuite redémarré à la sortie du confinement, en juin et juillet.

 

Le secteur du transport de marchandise, plus précisément de la logistique, a très bien fonctionné en 2020.

Quel bilan peut-on faire du confinement de mars 2020 en France ?

K. S. : En mars 2020, un grand nombre d’usines ont été mises à l’arrêt. Sur le plan économique et en ce qui concerne les services B2B, le confinement de mars 2020 a été catastrophique. Mais ce n’est pas le cas de tous les secteurs. Par exemple, en agroalimentaire et en pharmaceutique, toute la filière, aussi bien en amont qu’en aval, a fonctionné sans connaître de véritables impacts. Les entreprises de ce secteur ont parfois même connu des croissances d’activité. Le secteur de la cosmétique aura cependant connu un ralentissement de production. Nous avions près de 60 % de nos managers de transition qui ont continué de travailler sur site ; les 40 % restant étant confinés mais continuant leurs missions en télétravail. Globalement, nous nous sommes rendu compte que la majorité des secteurs ont redémarré plus vite que prévu. Les activités ont rapidement repris dans l’automobile, dans le service B2B, dans l’agroalimentaire ou la pharmaceutique. Nous avons aussi pu voir une bonne reprise du BTP, secteur qui ne s’est pas arrêté pendant le mois d’août, ce qui est plutôt rare.

 

La situation est-elle la même après le second confinement ?

K. S. : Le second confinement qui a eu lieu du 30 octobre au 15 décembre 2020 n’avait rien à voir avec le premier confinement, et était bien plus rationnel sur le plan économique et social. Nous n’avons finalement pas constaté d’impact sur le B2B. Depuis août-septembre-octobre 2020, le marché reste très actif et nous continuons d’avoir de nouvelles missions. Les entreprises continuent d’avoir des projets et de prendre des décisions. Cependant, le second confinement a impacté les industriels par la rationalisation de la consommation des ménages. D’un point de vue macroéconomique, la consommation est un levier important de la croissance. La baisse de la consommation touche directement l’activité économique, jusqu’à favoriser le chômage. Les effets ont été ressentis en 2020, mais les conséquences seront réellement effectives lors de l’année 2021.

 

Les impacts des premier et second confinements sur la trésorerie des entreprises se feront sentir en 2021.

Quels sont les secteurs industriels les plus touchés ?

K. S. : Bien que nous ressentions de l’optimisme à l’égard d’une reprise économique début 2021, certains secteurs sont dans une situation catastrophique. Par exemple, le secteur aérien, qui est très lié au tourisme et à l’évènementiel, est fortement impacté. C’est toute la chaîne de l’aéronautique qui fonctionne à 15 % de son activité : équipementiers, opérateurs, compagnies, infrastructures, etc. D’une manière générale, avec l’impossibilité de réaliser du chiffre d’affaires en 2020, certaines sociétés en croissance parviendront à maintenir leur bonne santé, tandis que d’autres ne tiendront pas jusqu’au printemps 2021. Nous attendons tous une reprise au premier semestre 2021. Dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la pharmaceutique, sans même parler de croissance, il s’agit d’une question de trésorerie. Certaines entreprises qui étaient endettées, même en croissance, feront l’objet de réorganisations. Il est encore trop tôt pour ressentir une crise potentielle dans le secteur industriel. Les plans de réorganisations, de transformation, d‘investissement ou de rapprochement se dérouleront courant 2021.

 

Le Plan de relance du gouvernement est-il à la hauteur de la situation ?

K. S. : En ce qui concerne la part que peut faire un gouvernement face à une crise sanitaire de cette ampleur, nous pouvons dire que les aspects économiques et financiers ont très bien été gérés. Le Plan de relance mis en place est une vraie réussite : il s’agit d’un plan de relance historique, au niveau européen et mondial. Nous devions absolument éviter une rupture du système financier, qui aurait eu des impacts désastreux sur le plan économique et social. Le Plan de relance est donc un succès, et cela est théoriquement assez clair pour tout le monde dans l’industrie. L’attractivité de la France pour les investissements venant de l’étranger est revenue et, parallèlement, la consommation est repartie plus rapidement que prévu. Ces indicateurs sont plutôt rassurants. La configuration est bonne.

 

Le secteur de la pharmaceutique s’est globalement bien porté en 2020, malgré les confinements successifs.

Selon vous, quelles pourraient être les solutions pour soutenir le plan de relance économique ?

K. S. : Nous sommes face à un virus que nous ne connaissons pas, ou peu, qui pourrait perdurer. Nous pourrions par exemple imaginer réaliser un benchmark avec les pays asiatiques, qui connaissent ce type de virus depuis plusieurs décennies. Nous pourrions piocher chez eux des idées pour lutter contre le virus au quotidien : utilisation de caméras thermiques, tests en temps réel, prise de température, etc. Des systèmes pourraient être mis en place dans les écoles, dans les aéroports, mais aussi dans les usines. En agroalimentaire et en pharmaceutique, les mesures d’hygiène et le filtrage au niveau des accès aux salles ne choquent personne. Ce sont, à mon sens, des solutions constructives qui pourraient empêcher des confinements à répétition. S’il faut vivre avec le Covid-19, nous devons trouver des solutions pérennes. Et ces solutions se dessinent peu à peu.