Messer sépare les gaz de l’air à Saint-Herblain

Le 13/08/2010 à 13:39 par La rédaction

Lionel Gérard, responsable du site de production de Saint- Herblain et Angélique Renier, responsable service marketing et communication devant un cigare de stockage intermédiaire.

Depuis le mois de janvier, Messer dispose à Saint-Herblain d’une nouvelle unité de liquéfaction des gaz de l’air. Avec une capacité de production de 300 t/jour, elle devient le site le plus complet des unités Messer françaises. La façade atlantique, vivier de l’agro-alimentaire français est clairement le cœur de cible de cette nouvelle implantation.

Messer, producteur de gaz industriels, vient d’investir 25 millions d’euros dans un nouveau site de production, à Saint-Herblain, près de Nantes, sur les bords de la Loire. Après un an de travaux précédé de deux années de développement, l’usine du joint-venture Limes a produit ses premières gouttes en janvier dernier. « Les gaz de l’air sont les suivants : l’azote à 78 %, l’oxygène à 21 % et l’argon 1 % », explique Angélique Renier, responsable communication de Messer France. Les autres gaz rares comme le xénon, le krypton et l’hélium ne sont pas produits de cette manière industrielle. Le processus commence par le prélèvement de l’air dans l’environnement. L’air est comprimé et refroidi dans la colonne de distillation ce qui le liquéfie. « Les températures de liquéfaction des différents constituants étant différentes, cette opération dissocie les molécules : oxygène et argon à -183 °C et azote à - 196°C, explique Julien Richardot, ingénieur production. La différence de densité des différents gaz obtenus permet de les séparer. La spécificité de cette colonne est de disposer de deux étages, pour que l’air monte sans pompe. Pour l’argon, qui présente de fortes affinités avec l’oxygène, le processus de séparation doit être très progressif et nécessite deux colonnes de distillation.» Avant janvier 2010, Messer disposait à Saint-Herblain d’une usine de conditionnement, d’un site de production d’acétylène, ainsi que de bureaux. Les gaz destinés à être comprimés et livrés en bouteille arrivaient sous forme liquide depuis Beauvais. « Cette implantation permet d’économiser 4 millions de kilomètres parcourus, explique Angélique Renier. Cela représente 4 000 tonnes de CO² qui ne finissent pas dans l’atmosphère. » L’acheminent pèse pour beaucoup dans la facture finale des gaz liquides, d’où l’intérêt d’avoir des sites de production à proximité des sites de consommation. Avec son unité de Saint-Herblain, Messer complète les 4 autres «tranches»* de production de Messer France : Beauvais, Strasbourg, L’Isle-d’Abeau et Toulouse. L’installation de Saint-Herblain est le seul site en France qui rassemble l’ensemble des étapes de production et conditionnement. Outre la haute tour de distillation, l’élément le plus visible des installations de Saint-Herblain est le réservoir d’azote d’une capacité de 1,4 million de litres. Ceux d’oxygène et d’argon sont respectivement de 450 000 litres et 30 000 litres. « Ce sont des réservoirs cryogéniques, précise Julien Richardot. L’isolation des deux plus importants (azote et oxygène) est réalisée à base de perlite, un sable d’origine volcanique expansé. Les plus petits réservoirs sont isolés sous vide », précise Julien Richardot. « Cette capacité de stockage garantit aux clients la continuité de leur approvisionnement, si jamais la production devait s’arrêter, insiste Angélique Renier. C’est un élément rassurant pour le marché, d’autant que nous disposons de notre propre flotte de camions citernes, même si la logistique est externalisée. »

Des marchés tournés vers l’IAA

La première cible de développement de cette nouvelle unité judicieusement implantée à l’ouest est l’agro-alimentaire. « Ce secteur représente 25 % du chiffre d’affaires de l’activité Messer en France. Alors qu’au niveau du groupe, implanté en Europe, en Amérique du Sud et en Chine, ce secteur pèse pour 12 %. » Premier des gaz de l’air, l’azote est un gaz inerte qui sert à faire du froid.

La tour la plus haute du site de Limes à Saint-Herblain, près de Nantes, est la colonne de distillation aussi appelée colonne de rectification ou de liquéfaction.

Son débouché majeur est l’agro-alimentaire. « Le concurrent de l’azote est le froid mécanique, explique Angélique Renier. Mais l’azote qui descend à -196 °C présente l’avantage de surgeler cinq fois plus rapidement. Les cristaux qui se forment sont plus fins et préservent mieux la structure du produit. La décongélation entraîne moins d’exsudats. C’est une technologie privilégiée dans les productions à valeur ajoutée, type produits de la mer. » Autre élément en faveur de la cryogénisation à l’azote : le coût d’investissement est moins lourd qu’une installation de froid mécanique et génère moins de maintenance. L’installation est rapide ce qui peut répondre à des problématiques de flexibilité pour des industriels connaissant des pics saisonniers. Pour soutenir ses marchés d’azote, Messer développe aussi des process : durcissement avant tranchage, pour le saumon par exemple ou le pain de mie ; surgélation individuelle pour les petits produits constituant des plats cuisinés en portion, etc. L’autre application alimentaire de l’azote est le conditionnement sous atmosphère protectrice qui permet de prolonger la durée de vie des produits en sachets ou en barquettes. L’atmosphère protectrice est composée d’azote et de dioxyde de carbone, voire d’oxygène pour les viandes rouges. L’autre marché de l’azote est la découpe laser, assez développée dans la région ouest. L’azote est également utilisé pour inerter des produits inflammables, explosifs, etc., dans l’industrie chimique ou cosmétique. L’enjeu est de protéger le produit de l’oxygène de l’air. Messer développe sur ce produit une gamme certifiée de qualité pharmaceutique. Deuxième gaz de l’air en termes d’importance, l’oxygène, est historiquement utilisé en fonderie métallurgie pour alimenter les cubilots. Pur, il est injecté directement dans la flamme (selon un procédé breveté par Messer d’injection supersonique) : c’est l’oxycombustion. « Cela augmente le rendement énergétique, le process consomme ainsi moins de coke. Malgré la disparition progressive des fonderies en France, certains marchés exigeants continuent de produire sur place et ce marché reste un débouché important pour Messer. » Cette technologie est utilisée dans d’autres fours d’incinération, pour en augmenter le rendement : verrerie, cimenterie, etc. L’oxygène est également utilisé comme « dopant du vivant ». En pisciculture, pour accélérer la croissance des larves ou en stations d’épuration biologique pour alimenter les bactéries qui dégradent les matériaux organiques. « L’oxygène permet d’augmenter le rendement de dégradation donc la capacité de la station, sans investir dans une installation supplémentaire, c’est utile pour les sites connaissant des pics d’activité. » L’oxygène entre également dans l’oxycoupage, une technique de découpe du métal à la flamme, sans laser. Il peut aussi être un agent réactif dans l’industrie chimique, par exemple dans la fabrication des optiques automobiles, dans le procédé de flammage à chaud qui permet de retirer les aspérités du verre. Le troisième constituant, l’argon, présent en plus faible quantité dans l’air, est un gaz incontournable en soudage. « Le métal en fusion sous l’arc électrique est sensible à l’oxygène de l’air qui altère la qualité du cordon soudure. L’argon est un gaz neutre et inerte plus lourd que l’air qui reste donc en contact avec le métal en assurant sa protection. » Il est stocké sous forme liquide et vaporisé avant d’être utilisé sous forme gazeuse dans les torches de soudage. Les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire demeurent parmi l’un des clients majeurs de Messer pour ce marché. En fonction des types de métaux, et de la qualité de soudure exigée, l’argon peut être additionné à d’autres gaz, CO², hélium, oxygène, etc. « C’est le savoirfaire de Messer de conseiller le meilleur mélange pour un usage optimum. » Enfin, le site de Saint-Herblain compte une unité de production acétylène, dont l’utilisation principale est l’alimentation des chalumeaux flamme oxyacétylénique. * Pour cet investissement, Messer a formé un joint-venture avec Linde Gaz : Limes. Ce partenaire est propriétaire à 50 % des installations de Saint-Herblain.

Par Françoise Foucher,

Paru dans Le Journal des Fluides N° 38 - Mai-Juin 2010

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